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Vote_Camerounais_Diaspora26.jpgNous publions ce jour la suite de la réflexion de la Fondation Moumié sur l'élection présidentielle 2011 au Cameroun. Le titre général du texte étant: Présidentielle camerounaise de 2011 : La fondation Moumié remet le débat à l’endroit. Dans la suite de cette série, la Fondation Moumié par le canal de son président, Thierry Amougou, cogite sur la notion de citoyenneté et le droit de vote des camerounais de la diaspora. "Cette diaspora camerounaise ne peut fêter totalement son droit de vote que sous la condition d’une mise en place d’une commission électorale indépendante : l’objectif du combat d’émancipation menée par la diaspora camerounaise n’est pas de voter et mourir, mais de voter pour changer le pouvoir…" Lisez plutôt

 

Quelqu’un qui sort de l’environnement hautement privatif du bagne trouve toutes les femmes belles et veut en faire des icônes de beauté indépassables. C’est cette image qui vient en tête lorsqu’on analyse, tant le « griotisme légendaire » de Charles Ndongo, que le grand enthousiasme de certains leaders d’opinions devant le droit de vote accordé aux Camerounais de l’étranger. Un fait aussi banal et ordinaire, à savoir qu’un Camerounais à l’étranger puisse voter pour les présidentielles de son pays, devient un Everest politique  pour le Renouveau National et certains Camerounais, justement parce que le système camerounais est passé maître dans la négation des droits élémentaires depuis 1982.

 

Dans ces conditions, ce qui revient de droit à un peuple comme le droit de vote de ses fils de l’étranger, est si ardu à obtenir qu’il transforme des évidences républicaines en grands succès politiques : les borgnes sont si rois au pays des aveugles que le griotisme des médias officiels nous présente désormais Paul Biya comme l’homme des promesses tenues, en oubliant que tenir des promesses que l’on se fait à soi-même et pour soi-même dans une dynamique électoraliste, n’est pas la même chose que tenir les promesses faites au peuple camerounais depuis 1982. Où sont la rigueur et la moralisation des comportements ? Qu’a-t-on fait de la Constitution de 1996 limitant à maximum deux le nombre de mandat à la tête de l’Etat ? Où est la commission électorale indépendante réclamée par l’opposition politique et la société civile ? Où sont les Grandes Ambitions ? Les faits dont traite l’opération Epervier sont-ils une promesse ? Ces quelques questions parmi tant d’autres montrent l’étendue du cimetière, tant des promesses du Renouveau National, que des revendications du peuple camerounais.

 

La Fondation Moumié estime que les Camerounais de l’étranger doivent être contents de retrouver une pleine citoyenneté. Ils n’ont pas à applaudir un régime qui ne fait que restituer ce qui revient de droit à tout citoyen camerounais. Là s’arrête l’enthousiasme de la Fondation Moumié car la diaspora camerounaise, comme force politique, s’est construite, moins sur un droit de vote dont nous venons de montrer la vacuité sans démocratie de la structure politique qui l’octroie, que sur l’instauration d’une véritable démocratie. Si, ainsi que nous l’avons montré, les Camerounais votent pour renforcer les dictatures depuis l’Etat-colonial, alors le vote des Camerounais de la diaspora ne changera pas cette situation car l’esprit anti-démocratique de l’Etat-colonial est encore maintenu aujourd’hui par Elecam au service, non d’un vote de transformations sociopolitiques, mais d’un vote de conservation du Renouveau National. Dans ces conditions, accorder un droit de vote aux Camerounais de la diaspora est même une façon de crédibiliser la fraude pré-organisée par Elecam en utilisant les Camerounais de la diaspora comme un argument extranational de validation et de recyclage de la dictature du Renouveau National. Ce sont en effet les ambassades acquises au pouvoir en place qui transformeront toujours le 6 en 9 à huit clos. Dès lors, ne pas avoir le droit de vote et l’avoir donnera le même résultat : Paul Biya Président avec en bonus le vote favorable de la diaspora camerounaise.

 

Cela dit, cette diaspora camerounaise ne peut fêter totalement son droit de vote que sous la condition d’une mise en place d’une commission électorale indépendante : l’objectif du combat d’émancipation menée par la diaspora camerounaise n’est pas de voter et mourir, mais de voter pour changer le pouvoir, sa conception et le destin qu’il réserve au peuple camerounais. Dans la situation actuelle, le droit de vote qui leur est accordé est, non seulement l’extension extranationale de la zone de fraude et de tricherie du pouvoir, mais aussi la conquête d’une crédibilité externe et internationale que le vote de la diaspora va procurer à la dictature de Yaoundé : ce sera, avec Elecam, la cerise sur le gâteur de la tricherie politique.

En dehors de ce qui précède, la Fondation Moumié pense aussi que le pouvoir n’a pas fait ce qu’il aurait dû faire pour prouver l’intérêt qu’il porte aux pays et à l’intégration de tous à l’œuvre de son développement. Le Renouveau National aurait pu changer un seul article constitutionnel afin d’accorder la double nationalité aux Camerounais de la diaspora. Les changements de constitutions qui sont utiles à un pays et à ses populations sont ceux qui visent une augmentation des droits et des contre-pouvoirs, et non ceux qui réduisent ces droits pour renforcer le pouvoir d’une personne comme en 2008. A l’âge global où la mobilité des citoyens de plusieurs pays est un élément d’intégration au marché mondial du travail, la double nationalité est un instrument moderne de codéveloppement. En effet, grâce à elle, les pays d’émigration et les pays d’immigration peuvent tous profiter des travailleurs émigrés qui acquièrent ainsi la capacité de pouvoir participer au développement conjoint de deux pays. La double nationalité en vigueur en France a bien permis au Cameroun de bénéficier des services de plusieurs footballeurs nés et formés en France, quand nos footballeurs locaux profitent bien de l’arrêt Bosman dans leurs clubs européens.

 

Par ailleurs, dans un monde où les réseaux comptent dans tous les domaines, la bi- nationalité est un moins un désintérêt et une perte de légitimité de participer à la gestion de la cité dans son pays d’origine, qu’un instrument rationnel qui, à l’âge global, permet à l’activité humaine d’échapper à la limitation des droits qu’induit la mono-nationalité au sein du village global. C’est un moyen d’avoir les siens dans les réseaux mondiaux qui gèrent le monde de la connaissance, de l’information et d’autres facteurs de production car la mondialisation c’est à la fois enracinement et déracinement. Seuls ceux qui jouent sur ces deux aspects grâce à la double nationalité y tirent leur épingle du jeu. Dans le cas d’espèce, la vitesse avec laquelle la Constitution camerounaise de 1996 a été modifiée lorsqu’il fallait limiter les droits du peuple camerounais, est en contraste total avec la non évocation complète d’une possible modification de l’article constitutionnelle qui exclue la double nationalité aux Camerounais.

 

En conséquence, le droit de vote accordé à certains Camerounais de la diaspora est une pitance politique car les plus nombreux sont ceux qui ont perdu leur nationalité camerounaise afin de s’intégrer dans leur pays d’accueil. C’est aussi ceux-là qui sont devenus autonomes par rapport au pouvoir en place et peuvent voter contre lui. Ceux qui viennent d’arriver dans les pays étrangers sont ceux qui ont encore leur nationalité camerounaise, sans-papiers ou encore largement dépendants de l’administration du Renouveau National contre laquelle ils ne peuvent voter contre. La Fondation Moumié qualifie ce droit de vote de discriminant volontairement, étant donné que le pouvoir l’a limité à ceux des Camerounais de la diaspora qui sont, non seulement les moins nombreux, mais aussi les moins autonomes par rapport à lui.

 

V-L’enjeu de 2011 comme date et moment émancipateur des Camerounais

 

La Fondation Moumié arrive au constat que le logiciel politique camerounais a jusqu’ici fonctionné suivant un seul et même algorithme conservateur qui en tient lieu de programme politique : la prise de pouvoir par une élite locale soutenue et cooptée par une élite française avec laquelle se construit une union sacrée pour faire main basse sur le pays, ses ressources et ses populations. Il est plus que temps d’en sortir.

 

Cela peut se faire par une nouvelle conjecture méthodique à laquelle nous donnons le nom de logiciel politique rédempteur basé sur un algorithme émancipateur comme programme. Les moyens de le mettre en place sont divers. Il peut s’agir d’un vote populaire à condition que les structures de pouvoir qui l’organisent soient démocratiques. Il peut aussi s’agir d’une révolution populaire si c’est la seule voie que laisse un régime au peuple. Enfin, le génie de l’industrie politique camerounaise peut faire appel à son intelligence pour le mettre en place. Quel que soit le chemin futur de sa réalisation, les objectifs du logiciel politique rédempteur et émancipateur semblent pouvoir être de quatre ordre : relier le passé à l’avenir en passant par le présent; lier le national (local) à l’international (global) et réduire les risques d’implosion du pays par une dissipation des angoisses concurrentes.

 

1-Relier le passé à l’avenir en passant par le présent

 

Donner une consistance réelle et dynamique au processus démocratique camerounais est fondamental si nous voulons que le combat pour les libertés ait un sens pour les populations, leurs territoires et revête ainsi une singularité camerounaise. De ce fait, donner des racines et des ailes au logiciel politique rédempteur et émancipateur, consiste à s’appuyer sur la politique anticoloniale née au cours au XXème siècle et portée par Félix Moumié et ses pairs pour libérer la figure multiple du colonisé de sa relégation hors des Droit de l’Homme par la barbarie des « civilisateurs ». Ces derniers et leurs alliés camerounais perpétuent la forme postcoloniale du système colonial duquel il faut sortir le Cameroun. C’est à l’aune des objectifs émancipateurs de ce combat historique que le Cameroun doit attaquer les problèmes présents, étant donné que ceux-ci sont des formes nouvelles de colonisation : le chômage de masse des jeunes ; l’appauvrissement des paysanneries ; l’éviction des classes populaires de nos villes ; le rôle d’une armée républicaine ; les droits des femmes ; la conception du pouvoir politique ; la distribution des richesses nationales ; la gestion des finances publiques ; le rôle de nos universités et grandes écoles ; la coopération sino-africaine, la question syndicale ; la condition ouvrière, l’exploitation des ressources naturelles, la souveraineté monétaire etc.

 

Un réalisme politique basé sur des paris raisonnés exige que ce soit à partir d’un combat historique réel plus que jamais actuel, que le Cameroun cherche à atteindre à la fois la République démocratique (égalité politique, citoyenneté et souveraineté populaire) et l’Etat social (justice sociale, justice territoriale et justice économique).

 

2-Lier le national (local) à l’international (global)

 

L’autre dimension du logiciel politique rédempteur et émancipateur est de placer le Cameroun dans le temps du monde en connectant ses combats émancipateurs nationaux aux dynamiques internationales de même nature. La galaxie altermondialiste est un vaste mouvement qui poursuit un projet émancipateur transcontinental en interrogeant radicalement la dynamique exclusivement polarisante et capitalistique de la mondialisation économique. Un renouvellement de nombreux combats présents sus cités peut y trouver des ressources à la fois organisationnelles, idéologiques et politiques en reliant ainsi les problèmes socioéconomiques camerounais au sort d’autres peuples que met en exergue l’actuel tout à économie.

3-Réduire les risques d’implosion du pays par une dissipation des angoisses concurrentes

 

Le défi historique qui se pose aux acteurs politiques camerounais est celui de sortir le pays des risques d’implosion induits par la forme postcoloniale de l’exercice coloniale du pouvoir politique. L’exacerbation du « risque pays » dont nous parlons pour le Cameroun, est liée à ce que la Fondation Moumié appelle deux angoisses concurrentes. Celles-ci segmentent le pays en « un axe du bien » et « un axe du mal » dont l’un est l’envers de l’autre alors qu’ils sont deux composantes d’un même peuple condamné à vivre ensemble. La première angoisse concurrente à la deuxième est celle des détenteurs du pouvoir exécutif qui redoutent de le perdre et de subir les foudres de leurs victimes de près de trente ans de dictature. La deuxième angoisse concurrente à la première est celle des non-détenteurs du pouvoir exécutif depuis 1960. Ils redoutent aussi de continuer à vivre le purgatoire à eux infligé par ses détenteurs depuis plus de cinquante ans. L’ambition du logiciel politique rédempteur et émancipateur est de faire disparaître ce « risque pays » par une dissipation de ces deux angoisses concurrentes par l’édification d’une offre politique au service d’un surplus de bien-être pour tous les Camerounais. Sans cela le télescopage entre ces deux angoisses concurrentes pourrait précipiter le pays dans l’abîme de la violence tous azimuts. Le pouvoir qui veut s’éterniser en porterait toute la responsabilité.

 

Lire la première partie de cette réflexion sur ce lien

 

Thierry AMOUGOU, Président de la Fondation Moumié

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