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Le 15 Mars 1966, dans le maquis de la Boumba Ngoko au Sud Est du Cameroun, Osendé Afana, l`un des plus brillants intellectuels militants anti-colonialistes de l`Afrique du 20è siècle, à la tête d`un détachement de partisans, membres de l`Union des Populations du Cameroun (UPC) engagés dans la lutte armée contre le néo-colonialisme, fut assassiné et décapité par les forces armées néocoloniales du Gouvernement camerounais.


Peu ou mal connu des jeunes d’aujourd’hui, Osendé Afana fait partie d’une génération de révolutionnaires qui ont payé de leur vie leur engagement et leur détermination à libérer le Cameroun et l’Afrique du colonialisme et du néo-colonialisme.
 
Né en 1930 à Nkogksaa, Osendé Afana n’allait pas tarder à faire montre de ses qualités intellectuelles et de son esprit frondeur dès l’école et le lycée Leclerc à Yaoundé.
 
En 1952, il était un des meneurs de la grève des élèves noirs du lycée qui revendiquaient une amélioration de leurs conditions à l’internat. Déjà proche des idées de l’UPC -Union des Populations du Cameroun, principal parti revendiquant l’indépendance- il donnera sa véritable dimension et son leadership en France où il poursuivit ses études à Toulouse puis à Paris.
 
Rapidement il devint membre de la célèbre FEANF, Fédération des étudiants d‘Afrique noire en France, réputée pour son vivier de révolutionnaires en herbes et de jeunes tiers-mondistes, succès qui lui valu son infiltration par les autorités françaises et les gouvernements africains, et finalement son effacement progressif.
 
Osendé Afana dut quitter clandestinement la France en 1958 pour s’exiler au Caire en Egypte avec la direction de l‘UPC alors pourchassée par la soldatesque coloniale du Cameroun. Il sera un des membres du parti envoyé plaider la cause de l’indépendance immédiate du Kamerun à l’Onu, alors qu’il secondait les Félix Moumié, Ernest Ouandié, Kingué Abel dans la direction de l’UPC.
 
Avec Ernest Ouandié il choisit la lutte armée dans le maquis camerounais où il était chargé du Deuxième front à l’est du pays.
 
Les conditions de son arrestation le 15 mars 1966 pas loin de la frontière avec le Congo restent troubles, mais les témoignages s’accordent à y reconnaître une impréparation possible du front et des trahisons certaines. On prête à l’ancien président françafricain du Cameroun Ahmadou Ahidjo d’avoir exigé à son palais la tête tranchée du leader upéciste abattu sur le champ de bataille.
 
En 1966 paraissait aux éditions Maspero le livre posthume de l’intellectuel et du militant engagé, «Economie de l’Ouest Africain. Perspectives de développement». Osendé Afana, féru de développement économique dans une perspective tiers-mondiste lui donnant une ouverture d’esprit certaine y anticipe les grands problèmes qui vont joncher le chemin des sociétés postcoloniales : Endettement, bourgeoisies compradores et corruptocraties, aide piégée au développement, etc.
 
Sa vision marxiste du monde le rendra par trop optimiste sur la fin imminente du capitalisme rongé par ses contradictions, et sur l’avènement du socialisme, mais il pose les jalons d’une réflexion saine et éclairée qui malheureusement se révélera souvent vérifiée quant à la stagnation économique des anciennes possessions coloniales d’Afrique.
 
Osendé Afana aura à cœur d’ancrer son discours dans une passion et un idéal unitaire africain, panafricain, conquérant et militant, ce l’extrait suivant traduit* :

«A l’échelle de l’Afrique, une des caractéristiques dominantes du mouvement anti-impérialiste est le courant unitaire qui soulève de plus en plus les masses populaires. A côté des conférences panafricaines des peuples, des paysans, des femmes, des jeunes et des étudiants, des journalistes, etc., à côté des organisations permanentes issues de ces rencontres populaires ou gouvernementales s’ébauchent de plus en plus des regroupements régionaux: Union maghrébine, Conseil de l’Entente, Union douanière équatoriale-Cameroun, Union Tanganyika-Ouganda-Kenya, sans parler d’ensembles plus vastes tels que les groupes de l’UAM, de Monrovia ou de Casablanca.
 
Tous ces groupements régionaux auraient pu jeter les bases réalistes de l’unité du continent. Malheureusement, les impérialistes, fidèles à eux-mêmes, déploient tous les efforts pour entraver la réalisation de cette unité révolutionnaire de notre continent. C’est ainsi que même après la conférence panafricaine des chefs d’Etat et de gouvernement tenue à Addis-Abeba en mai 1963, ils continuent leur travail de division sous le couvert de la décentralisation régionale dans de nombreux pays, et sous le masque de I’UAM comme organisation régionale.
 
A ce niveau comme au niveau de chaque pays, il est tout à fait évident que la lutte pour l’unité et la lutte contre le néo-colonialisme ne sont qu’une seule et même lutte. Seule la liquidation du néo-colonialisme permettra d’unir tout le continent sous un gouvernement unique au service des peuples africains. La voie qui mène à cet objectif ultime passe nécessairement par des étapes comprenant notamment l’unité d’action, le renforcement de la coopération dans les domaines de la politique et de l’organisation et même par des regroupements régionaux, mais à contenu progressiste.
              
Notre époque est celle de l’aggravation de la crise du capitalisme et celle du triomphe du socialisme. Certes l’impérialisme apparaît encore comme un colosse, mais plus que jamais, il est un colosse aux pieds d’argile, car chaque jour qui passe développe les contradictions qui doivent le conduire à sa tombe.»


Dans un témoignage publié il y a plus de dix ans, Michel Ndoh de regretté mémoire, déclare que : “ Osendé était le premier économiste camerounais et même d’Afrique noire. Il était mordu par le virus upéciste (…) Il entre au maquis relativement sans discrétion et de façon précoce. Notre projet du Deuxième front, que Woungly Massaga ira mener plus tard, nous entendions le concrétiser dans la discrétion et pas en 1966. Osendé a voulu précipiter les choses. (…) Je garde de lui le souvenir d’un nationaliste véritablement engagé, radicalement différent de ceux qui, aujourd’hui, ne s’engagent dans le combat que pour défendre leurs intérêts ou ceux de leurs tribus. (…) ”, avait-il conclu.


Il y’a justement quarante trois  ans, Osendé Afana s’insurgeait contre les “ Impérialistes (qui) utilisent aussi les prêts pour piller les pays sous-développés ” en exigeant des taux d’intérêt exorbitants et des “ conditions d’utilisation et de remboursement très onéreuses ”. Il était persuadé que bon nombre de nos pays risquent de devenir “ des esclaves pour dettes ” et surtout, que l’aide des pays occidentaux “ est essentiellement un instrument du néo-colonialisme ”.


Lire à propos : * Lire : Afana, O., L’Economie de l’Ouest africain, Perspectives de développement, Ed. Maspéro, Paris, 1966, p. 197. La Nouvelle Expression du (16/03/2006)


Cellule de Communication Fondation Moumié, Génève le 15 mars 2009

Tag(s) : #Flash- back dans l'histoire
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